Rupture conventionnelle et accident du travail : nouvelles précisions de la Cour de cassation
La mise en œuvre d’une rupture conventionnelle est interdite dans le cas où le salarié est placé en arrêt de travail en raison d’un accident ou d’une maladie d’origine professionnelle.
Il en va de même lorsque, dans le cadre d’une visite de reprise qui suit un arrêt de travail pour accident ou maladie d’origine professionnelle, le salarié a été déclaré inapte à son poste.
La Cour de cassation estime en effet, de longue date, que l’employeur doit nécessairement inscrire sa démarche dans le cadre des obligations qui se rattachent au reclassement du salarié (Pour une solution rendue à propos de la rupture d’un commun accord « classique »: Cass. Soc. 29 juin 1999, n°96-44160).
L’entreprise ne saurait donc conclure une convention de rupture homologuée dans ces deux hypothèses.
En revanche, lorsque le salarié a été déclaré « apte » lors de la visite de reprise qui suit un arrêt de travail « AT », qu’en est – il ?
C’est à cette question que la chambre sociale a répondu, très logiquement, dans un arrêt du 28 mai 2014.
En effet, la Cour de cassation se prononce en faveur de la possibilité de conclure une rupture conventionnelle homologuée avec un salarié, dès lors qu’il a été déclaré apte.
Cette solution n’était pas évidente pour tous, dès lors que le salarié peut parfaitement être déclaré « apte avec réserves », ce qui était d’ailleurs précisément le cas en, l’espèce.
Or, les réserves qui se rattachent à un avis d’aptitude constituent souvent un casse-tête pour l’entreprise.
Qui n'a jamais entendu parler, au cours d'une carrière en ressource humaines, de ces cas de salariés déclarés aptes...sous réserve de ne rien faire de ce qui se rattache à l'essence même de leur tâche ?
L’employeur doit pourtant, dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat, veiller à scrupuleusement respecter les consignes –parfois impossibles à mettre en oeuvre- de la médecine du travail.
Dans cet arrêt rendu le 28 mai 2014, la Cour de cassation vient toutefois ici affirmer que l’on ne saurait faire un procès d’intention à l’entreprise, en suggérant qu’une rupture homologuée conclue avec un salarié déclaré apte, ensuite d’un accident du travail, aurait nécessairement pour objet de se soustraire à l’obligation de sécurité de résultat, ou viserait à prendre en considération l’état de santé de ce salarié pour rompre le contrat de travail.
Cette solution est par ailleurs conforme aux textes qui n’impartissent pas de protection indéfinie en matière d’accident du travail.
Pour autant, l’arrêt rendu le 28 mai 2014 permet à mon sens de s’interroger sur l’efficience des règles en matière d’aptitude médicale.
La gestion des avis de la médecine du travail en entreprise est bien souvent source de difficultés, alors même que des voies de droit existent et devraient en principe être privilégiées.
Un recours contre un avis d’aptitude est certes possible, en application de l’article L. 4624-1 du Code du travail, mais ce recours est peu usité.
Cela étant, les délais (même aujourd'hui réduits), le caractère non suspensif de cette action, la complexité pratique de l’intervention d’un inspecteur du travail, qui n’est pas médecin et se conformera souvent à l’avis du médecin inspecteur du travail, rendent en effet aux yeux de beaucoup peu « praticable » le recours institué par le législateur à l’encontre des décisions du médecin du travail.
Alors que plus d’un million d’avis sont rendus chaque année, seules quelques centaines de décisions sont rendues par les inspecteurs du travail. Ce qui en dit long sur la perception qu’ont les entreprises (comme les salariés) de ce recours.
Dans certaines régions, on manque parfois de médecin – inspecteur du travail, lequel doit en principe être consulté et dispose seul de l’accès aux éléments médicaux du salarié…
Sans compter qu’en cas d’infirmation, l’avis de l’inspecteur du travail doit se substituer rétroactivement, ce qui implique que l’inspecteur rédige lui-même ce nouvel avis, sans pouvoir demander au médecin du travail de le refaire, sous peine de vicier la décision qu’il rend, l’employeur en étant alors pour ses frais, puisque responsable « mais pas coupable », si l’avis rendu après recours n’est pas juridiquement viable !
Alors, à lire rapidement cet arrêt du 28 mai 2014, de nombreux décideurs, penseront sans doute que face aux difficultés découlant de l’aptitude avec réserve, la Cour de cassation autorise un « échappatoire » légal, à la seule condition que la cause de sa mise en œuvre soit bien évidemment tue.
Bien qu'une rupture conventionnelle puisse être souscrite pour d’autres motifs, il serait irréaliste d'écarter, dans le conexte d'une aptitude avec réserves, le risque que les modifications de poste imparties par la médecine du travail n’incitent pas l’employeur à rompre rapidement une relation contractuelle devenue complexe à gérer.
Pour autant, l’arrêt du 28 mai 2014 nous contraint inévitablement à constater de nouveau l’inefficience des voies de recours contre les décisions de la médecine du travail.
Cela, alors même que la santé du salarié, la préservation de l’emploi mériteraient sans doute mieux que des solutions comme celles du « tout ou rien » que suggère aujourd’hui, sans le vouloir, le droit positif à de nombreux employeurs.
Ce qui passerait par une réforme d’ampleur de la santé au travail, impliquant par exemple que la décision rendue sur recours le soit par le médecin inspecteur du travail d’une part, et qu’elle puisse voir son effectivité assurée, d’autre part, en aménageant par exemple les effets d’une décision d’aptitude rendue après licenciement.
(Cass. Soc. 28 mai 2014, n° 12-28082)
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